CENTRE D'ANALYSE DES PRATIQUES PROFESSIONNELLES
ÉCOLE DE FORMATION FRANÇAISE

JAILLON-MINATCHY-FORMATION COACH PROFESSIONNEL

Communication de D.Jaillon à la Biennale Internationale, de la Formation et des Pratiques Professionnelles.


Communication de D.Jaillon à la Biennale Internationale, de la Formation et des Pratiques Professionnelles.

Paris 20 au 23 septembre 2023
« Se construire avec et dans le monde : part d’autrui, part de soi »

Le coaching socianalytique recouvre un ensemble cohérent de pratiques réflexive d’accompagnement professionnel personnalisé des individus et des équipes. Ces orientations prennent leur source dans le courant de l’analyse institutionnelle, de l’analyse de l’implication et de l’intervention socianalytique (René Lourau, 1970). Largement influencée par l’analyse systémique, cette pratique d’accompagnement s’est enrichie du référentiel théorique de la psychosociologie et de la sociologie clinique qui considère, à la suite de Sartre, que « l’individu est le produit d’une histoire dont il cherche à devenir le sujet » (De Gaulejac, 1987, 2016).

On désigne par coaching socianalytique la mise en œuvre réflexive d’une méthode d’accompagnement, conduite selon une conception pluridisciplinaire et intégrative du sujet en situation (Sartre), situation conçue comme le moment de totalisation du passé, du présent et du projet de l’individu. L’objectif de cet accompagnement est de développer la capacité de la personne à analyser sa situation afin de clarifier les déterminants et enjeux psychosociaux de son projet d’évolution et de développer sa fonction d’historicité. L’accompagnement socianalytique entraine l’individu à développer sa capacité de prise de recul, d’analyse de situations, de construction de scénarii d’évolution, de recherche de solutions et de mise en action. Pour cela, l’accompagnant adopte une posture de co-construction du sens de l’action en fournissant à l’accompagné les outils, méthodes et concepts utiles au décodage des différents systèmes dans lesquels il se trouve prisonnier. Il s’agit bien d’ouvrir des espaces du possible afin que le sujet accompagné puisse « advenir au monde ». Pour Simone Weil « la finalité de la réflexivité c’est de nous rendre plus humain », c’est dans cette perspective que s’inscrit notre pratique d’accompagnement.

I) Une méthode en contexte

D’un point de vie synthétique, Quatre éléments sont à retenir pour caractériser le contexte de l’individu contemporain :

a)     L’idéologie de la réalisation de soi va de pair avec le développement de « l’individuation de singularité » (Rosenvallon, 2021) : « le moi de chaque individu est devenu son principal fardeau » (Senet, 1979). L’affirmation de soi est une nécessité dans un monde caractérisé par la lutte des places (de Gaulejac).

b)     L’individu n’est plus enfermé dans une identité héritée mais en contre partie il ressent un sentiment « d’insécurité sociale » (Castel, 2003)

c)     Il est entrainé tout au long de sa vie dans une quête de reconnaissance (sociale, symbolique, affective). Cette quête devient l’élément central qui anime les   destinées humaines.

Dans ce contexte, la construction identitaire d’un individu est un processus dialectique de reconfiguration permanente en relation avec les épreuves de la vie qui « mêlent l’objectivité d’une situation et la subjectivité de sa perception » (Rosenvallon, 2021).

II) un cadre, un espace/temps, une méthode

La réflexivité socianalytique mise en œuvre dans nos accompagnements nécessite, un cadre matérialisé par un contrat (écrit et signé) qui précise le temps sous forme de séances d’une heure trente en moyenne, le lieu des séances, la déontologie (pour nous celle de la Société Française de Coaching - SFCoach), le paiement et les objectifs de l’accompagnement. Un espace psychologique sécurisé qui permet l’expression libre et l’élaboration psychique et une méthode qui associe : un questionnement existentiel, relationnel et sociohistorique qui repose principalement sur des dispositifs d’exploration proposés au coaché comme par exemple :

  • Tenir son journal de coaché : Un journal dans lequel le coaché note de façon descriptive les moments significatifs de sa vie (ex: relations de travail), les situations représentatives dans lesquelles il est impliqué (ex: subordination/pouvoir d’action), les événements significatifs de sa journée en relation avec ses objectifs de coaching. Il a pour consigne de décrire ce qu’il a vécu du point de vue relationnel en insistant sur les dimensions affectives et émotionnelles de ces situations.
  • Faire sa biographie formative dans laquelle le coaché répond à la question : comment je me suis formé tout au long de ma vie, de manière formelle et informelle ? De manière formelle à l’école, ou toute situation de formation clairement identifiées et de manière informelle par les évènements (naissances, décès, séparations etc…), les expériences (heureuse ou malheureuses), les activités associatives ou militantes qui sont autant de dispositifs de formation. L’objectif de cette exploration est une prise de conscience par le coaché de de son savoir expérientiel et de l’importance de son capital intellectuel, social, symbolique, économique acquis tout au long de sa vie.
  • Réaliser des dessins réflexifs (Molinié, 2009) dans lesquels, à partir d’une consigne (exemple : moi aujourd’hui et moi à l’issue de l’accompagnement ; ou moi en situation de …), le coaché fait un dessin et ensuite explore cette représentation sous la conduite de son coach dans un dispositif de triangulation.

Ces trois exemples s’inscrivent dans une perspective de médialité biographique dans laquelle « le sujet se constitue dans des pratiques qui, loin de n’être que de simple « supports », sont ce par quoi et ce dans quoiune subjectivité trouve sa forme » (Delory Momberger, 2019). Ils permettent le travail de la conscience de soi, l’image de soi interne et externe, l’estime de soi et la confiance en soi

II) Une exploration socio-biographique de l’histoire de vie du coaché

En nous référant au concept de situation défini par Sartre comme un moment de totalisation du passé du présent et du projet de l’individu et à la méthode régressive-progressive (Lefebvre) qui consiste à partir de l’ici et maintenant du client, de remonter dans son passé pour revenir au présent et à son projet d’évolution. Cette méthode met en expression la personne à partir d’un outil que nous avons nommé, le schéma socio-biographique. Elle prend en compte d’un point de vue psycho-sociologique, la totalité de la vie personnelle et professionnelle de l’individu en s’intéressant particulièrement aux situations de crises, conflits, dérangements et aux épreuves que le coaché a traversé tout au long de sa vie.

Le schèma sociobiographique permet une exploration de cette histoire en partant des grands parents et de ce qu’ils ont transmis en positif ou en négatif de même pour les parents ou figures parentales qui ont comptées pour le coaché. Vient ensuite une réflexion à partir de la naissance sur trois axes, celui de la vie personnelle, celui de la vie en formation et celui de la vie professionnelle. Le coach travaille à la fois en diachronie, sur l’histoire de vie de la personne en s’intéressant particulièrement aux situations de crises, de conflits et de ruptures qui sont venus déranger, perturber et changer le cours des choses et dans une perspective synchronique. Donc des situations dans lesquelles la personne est prise ici et maintenant. L’identification d’analyseurs permet de comprendre ce qui se rejoue de son histoire, dans le présent. Le socianalyste-coach prend donc en compte les différents registres sur lesquels le sujet s’est construit : réflexif, psychique, émotionnel et sociohistorique. Personne globale, avec une histoire (figures parentales, valeurs, interdits, peurs, croyances), s’inscrivant dans un environnement social, économique et politique. Chaque situation est une énigme à résoudre par une démarche analytique descriptive et explicative. L’explicitation du « comment ça s’est passé pour le coaché », nait de l’observation de l’expérience humaine (l’éprouvé), dans une relation dialectique entre les conditions objectives de sa situation et sa perception subjective de celle-ci.

III) Une méthode ancrée dans la philosophie humaniste et la sociologie clinique

En reprenant les fondamentaux de la philosophie humaniste de Sartre, la sociologie clinique a développé une conception dialectique de l’identité entre déterminisme et liberté : « Pour nous, l’homme se caractérise avant tout par le dépassement d’une situation, par ce qu’il parvient à faire de ce que l’on a fait de lui ». Sartre, Question de méthode,1960. Proposition qui sera reprise par Vincent de Gaulejac « l’individu est le produit d’une histoire dont il cherche à devenir le sujet » (1987, 2016), et par le courant des histoires de vie en formation qui a montré que une lecture sociologique de l’histoire de vie fait apparaître le sujet comme dépendant, relié à un monde qui l’entoure, à une histoire qui le précède et en même temps relativement autonome, capable d’infléchir le cours de sa vie.

Pour Paul Ricoeur, le récit de soi donne sens à un vécu, constitue l’individu comme sujet énonciateur de lui-même, permet le passage de l’expérience de soi à la conscience de soi et établit la relation entre actualisation et potentialisation des situations vécues par le coaché. Proposition reprise par Christine Delory-Momberger écrivant que l’activité biographique accomplit ainsi une double et complémentaire opération de subjectivation du monde historique et social et de socialisation de l’expérience individuelle. Le coach met en œuvre une écoute clinique en travaillant en fonction de la problématique de son client, à la fois au niveau socio-anthropologique, (sur les concepts de place, injustice, inégalité, interdit, permission, prophétie, domination, héritage, habitus, pouvoir, rituels), au niveau psycho-sociologique (en travaillant les concepts de  honte, peur, inhibition, colère, désir, sidération) et de manière gestaltiste, (sur l’écoute du corps et de ses comportements -celui du coché et celui du coach : position, gestes, émotions, sentiments, affects-).

Conclusion

Dans la perspective de la sociologie clinique, le coaching socianalytique se situe au carrefour des sciences humaine et particulièrement au point d’intrication des problématiques sociales et psychiques vécues par un individu. La clinique de l’historicité mise en œuvre concrètement par les propositions d’outils de mise en réflexivité du coaché est un travail de co-construction de sens et lui permet « d’intégrer sa propre histoire, dans un travail de compréhension et de distanciation qui peut l’amener à en modifier le sens et à mettre en place des stratégies sociales  pertinentes par rapport à l’évolution de la société, en s’appuyant sur la reconnaissance de la façon dont l’Histoire sont agissantes en lui » (Faure, 2019). Le coaching socianalityque est un travail de mise en relation du coaché avec son psychisme, de son psychisme avec son « histoire de vie » et de circulation entre le passé, le présent et le projet de vie du sujet pour construire des scénarios de dégagement pour « advenir au monde »
 

Références bibliographiques

Castel, R. (2003) L’insécurité sociale : qu’est-ce qu’être protégé ? Seuil.

Chabanne, J.-C. (2006). Ecriture réflexive, construction de la pensée et des connaissances chez les élèves d’école primaire. In Molinié, M. et Bischop, M.-F. (dir.), Autobiographie et réflexivité, Amiens : CRTF- Belles Lettres.

Delory-Momberger C. (2000). Les histoires de vie. De l’invention de soi au projet de formation. Paris : Anthropos.

De Gaulejac, V. (1987). La Névrose de classe. Paris : Payot.

Faure, D. (2019). « Historicité ». Dictionnaire de Sociologie Clinique, Toulouse : Erès. 

Jaillon, D. (2019). « Coaching socianalytique ». Dictionnaire de Sociologie Clinique, Toulouse : Erès.

Jaillon, D. ( 2019). « Accompagnement professionnel personnalisé/coaching ». Vocabulaire des  Histoires de vie et de la Recherche Biographique, Toulouse : Erès.

Jaillon, D. (2014) (dir.) Du coaching à l’Accompagnement Professionnel Personnalisé. Le Sujet dans la Cité. Harmattan.

Lourau R. (1970) l’Analyse institutionnelle. Paris : Minuit.

Molinié, M. (2009) (dir.) Le dessin réflexif. Vers une herméneutique du sujet plurilingue. Amiens : Encrages.

Roseanvallon, P. (2021) Les épreuves de la vie. Seuil

Sartre, J.-P. (1997 [1938]). La Nausée. Paris : Gallimard

Sartre, J.-P. (1985, [1960]). Critique de la raison dialectique, précédé de Questions de méthode. Paris : Gallimard.

Senet, R. (1979). Les tyrannies de l’l’intimité. Seuil.


Derniers articles

Communication de D.Jaillon à la Biennale Internationale, de la Formation et des Pratiques Professionnelles.

Entretien de Dominique Jaillon Réalisé par Andréa Taberner (en cinq parties)

Les noeuds sociopsychiques - Conférence De Gaulejac 24 novembre 2022

Catégories

Réalisation & référencement Simplébo

Connexion

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'installation et l'utilisation de cookies sur votre poste, notamment à des fins d'analyse d'audience, dans le respect de notre politique de protection de votre vie privée.